L’anthologie est bien-entendu concoctée par Thomas Bauduret.
Comme souvent, bon choix de photo (Nemo Sandman) et stylisation comme il faut pour la couverture.
Ce qu’il y a à l’intérieur à présent : rappelons pour commencer que la profession de foi de Malpertuis, c’est le fantastique. Les nouvellistes peuvent toujours tenter de glisser un orteil de fantasy ou de SF, c’est à leurs risques et périls. Le lecteur, lui, doit se retrouver avec du fantastique pur jus entre les mains : un événement ou un élément étrange et extra-ordinaire vient perturber la réalité ordinaire (je ne sais plus quel dico).
Des choses étranges et extraordinaires, il y a de toutes les variétés dans ce volume où interviennent une vingtaine d’auteurs :
Trois kilos, de Silas, ouvre l’anthologie de la meilleure des façons : un texte court, où il est question de perte de poids, de maternité, et de sortilège assez tordu.
Ensuite, en vrac : Bruno Pochesci se lâche (si l’on peut dire) dans Le dernier jouir d’un condamné. Texte tonique et pour tout dire, hormonal, qui ne tient au fantastique que par un fil, mais ouf ! Il le tient. Texte vivant, bien qu’il s’agisse d’un condamné à mort, et au moins, singulier ; au plus, clinique. On aime.
Quoi d’autre ? Scène de chasse ordinaire, de la fille qui truste toutes les anthologies, mais si, vous savez, Barbara Cordier ! Ambiance automnale ici, style ample pour une histoire qui aurait pu, on le sent, prendre ses aises sur deux-cents pages. Ça commence par un enterrement et une histoire d’héritage : un personnage très très très bizarre, et quand-même assez seul, souhaite récupérer la tapisserie d’un vieux châtelain qu’il a bien connu, et qui est mort dans des circonstances pour le moins opaques. La tapisserie – la « scène de chasse » – est le pivot de cette histoire où les corps semblent voués à l’humus, et les âmes à la culpabilité. Bon texte. Royal pour les aficionados des humeurs glauquy.
Dans Lloupa Rouge, Eric Vial-Bonacci revisite de manière subversive le thème du petit chaperon. Elle n’est vraiment pas gentille la grand-mère. Le calvaire de la p’tiote, au milieu du texte, tient la route.
Alice, de Milora, n’est pas mal non plus : motif littéraire assez doux (des fois, ça change, et ça fait du bien, dans ce monde de brutes) où il est question de la relation dialectique entre l’auteur et ses personnages, entre le réel et l’irréel, le tout hanté par le thème du manque et de l’amitié.
Ah… Yves-Daniel Crouzet ! Pas pareil, Yves-Daniel Crouzet. Avec Le chant de la harpie, le soir au fond des bois. L’auteur se fait plaisir dans cette histoire de vengeance, de contre-vengeance et de sortilège où ça ne manque ni d’humour ni de second degré (si pas troisième). Notamment un démon lucifuge très ancien, un peu à la ramasse pour comprendre notre époque. Quant au titre, pour le saisir, la fin en donne la clef. Vous verrez alors dans quel univers tombe nos protagonistes. Et c’est une drôle de partie qui commence.
Emilie Querbalec nous propose une nouvelle assez poétique par un bord, et très dark par un autre. En jeu ? Une histoire de désamour, eh oui… too bad, so sad…, de hantise, de faute, et de temps qui passe. Le titre ? Lisse, le cordon. On retient s’il vous plaît.
On ajoute : Mais quand vient le mot « Fin » ? De Kévin Kiffer, où quelqu’un se retrouve prisonnier dans quelque chose, il ne sait ni pourquoi ni comment et le tout début est bien négocié, un peu angoissant. Il est aussi question de littérature et de « lutte pour la reconnaissance » eut dit Hegel. Si si. Vous verrez.
Le collectionneur de plumes de NokomisM nous emmène ailleurs : un collectionneur, donc, un Ara en legs, et le plus vieux rêve de l’humanité : voler. Ailleurs où ça ? Eh eh…
Dans Sans terminus ? Anthony Boulanger traite de l’instant où l’on meurt qui peut se refermer sur nous comme un piège, ça arrive à quelqu’un dans une gare et il va bien falloir que ce type se sorte de cette situation… Thème du fantôme revisité, avec un peu de psychologie, et peut-être même un peu de morale.
La fuite, de Pascal Malosse : un homme est poursuivi par une ombre, et forcément, ça le stresse, on imagine bien. Ça aurait pu vite s’essouffler, mais le cadre est une bonne idée : ça se passe… à Damas. Et la course poursuite est bien relancée.
Bon, votre humble serviteur s’arrête là, il se fait tard, et j’en ai assez dit pour vous exprimer mon sentiment. Les auteurs non-cités ne m’en tiendront pas rigueur. Ils seront les surprises et les bonnes surprises en sus pour d’autres lecteurs.
Bons cauchemars à tous.